Interventions > Session 1 | Le système des publications scientifiques à bout de souffle

La fin annoncée des relecteurs et des relectrices ?

Vincent Larivière (Université de Montréal)
Professeur titulaire à l'école de bibliothéconomie et des sciences de l'information
Titulaire de la Chaire UNESCO sur la science ouverte

Vincent Larivière est professeur de sciences de l’information à l’Université de Montréal, où il est également titulaire de la Chaire UNESCO sur la science ouverte et vice-recteur associé (vice-rectorat principal) et co-titulaire de la Chaire de recherche du Québec sur la découvrabilité des contenus scientifiques en français. Il agit également à titre de directeur scientifique de la plateforme de diffusion de revues savantes Érudit, et est membre régulier du Centre interuniversitaire de recherche sur la science et la technologie (CIRST).

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La publication scientifique : fin d'une culture pour une industrie culturelle ?

Chérifa Boukacem-Zeghmouri (Université Claude Bernard Lyon 1)
Professeure en sciences de l'information et de la communication

Chérifa Boukacem-Zeghmouri est professeure des Universités en Sciences de l’Information et de la Communication à l’Université Claude Bernard et chercheuse au laboratoire ELICO. S’appuyant au cadre théorique des industries culturelles et créatives, ses travaux analysent les mutations de la communication scientifique entre pairs, vers des modèles ouverts et collaboratifs. Les nouvelles formes de production, de circulation, d’évaluation et de légitimation de la recherche scientifique constituent ses principales thématiques de recherche. Elle a, dans ce champ, employé des approches qualitatives et bibliométriques et porte des projets de recherche de financement ANR et européen. Chérifa Boukacem-Zeghmouri est chargée de mission Scientométrie pour son établissement et responsable du Master Information et Médiation Scientifique et Technique (IMST).

Résumé

La présentation propose d’aborder les transformations de la publication scientifique à partir d’une entrée culturelle rarement traitée, légitime au vu du statut de cette sous-filière du livre. Il ne s’agit pas d’ignorer les autres entrées d’analyse (ex. coûts, métriques, plateformisation…), mais plutôt de donner à voir leurs effets sur de nouvelles formes d’industrialisation qui introduisent de nouvelles valeurs et normes et qui entrent en compte dans la redéfinition du statut de la publication scientifique. Si le modèle de la revue demeure encore, la culture éditoriale et historique de la revue bascule vers une culture du flot qui réoriente les objectifs de la publication scientifique contemporaine. La rhétorique de la « transformation » amorcée depuis plusieurs décennies par les acteurs du marché de l’édition scientifique trouve dès lors un contexte d’oblitération.

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La fin annoncée des lecteurs et des lectrices ?

Didier Torny (CNRS)
Délégué scientifique économie des publications à la Direction des données ouvertes de la recherche (DDOR)

Didier Torny est chercheur au sein du Centre de Sociologie de l'Innovation (I3, UMR 9217). Il y développe une économie politique de la publication académique, y compris une sociologie des métriques, l'évaluation par les pairs, l'analyse des différents modèles et pratiques de financement des publications (abonnements, accords transformants, modèles Diamant, APC/BPC).

Didier Torny est également délégué scientifique à la Direction des données ouvertes de la recherche du CNRS et membre du Comité pour la Science Ouverte. Au niveau international, il est membre de l'Advisory Board d'Open Citations pour le MESR et du Conseil de surveillance du DOAB pour le CNRS.
Enfin, il est le directeur scientifique de la plateforme Matilda, qui vise à mettre fin à la dépendance du monde académique vis-à-vis des outils bibliographiques commerciaux.

Résumé

Si l’on suit Umberto Eco, les textes n’existent comme tels que s’ils ont des lectrices et des lecteurs. Pendant longtemps, les textes scientifiques ont cherché à attirer des lecteurs par divers systèmes de découverte (diffusion des sommaires, des résumés). Peu à peu, de nouveaux lecteurs, incluant une dimension mécanique, puis automatique, ont été pris en compte (collecte des références, approches en fouille de textes).

Cependant, depuis une décennie, et encore davantage depuis la démocratisation de l’IA générative, de très nombreux textes publiés exhibent de telles erreurs (présence de prompts, tournures torturées, tableaux ou graphiques absurdes) qu’ils manifestent l’absence de (re)lecteurs humains. D’autres indices permettent de constater une diversité de lectures : d’un côté, des pures machines de comptage (nombre de textes, nombre de citations), de l’autre, des vérificateurs équipés de diverses machines qui visent à « nettoyer » la littérature scientifique.

Cette nouvelle configuration transforme radicalement le contrat de lecture des textes publiés, sapant leur autorité à dire les faits tout en démocratisant la mise en discussion des connaissances qu’ils revendiquent établir.

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